Freud, Sur le narcissisme

Publié le par philodamas

« Nous avons appris que des motions pulsionnelles subissent le destin du refoulement pathogène, lorsqu’elles viennent en conflit avec les représentations culturelles et éthiques de l’individu. Par cette condition, nous n’entendons jamais que la personne a de l’existence de ces représentations une simple connaissance intellectuelle, mais toujours qu’elle les reconnaît comme faisant autorité pour elle, qu’elle se soumet aux exigences qui en découlent.

Le refoulement, avons-nous dit, provient du moi ; nous pourrions préciser : de l’estime de soi qu’à le moi. Les mêmes impressions, expériences, impulsions, motions de désir auxquelles tel homme laisse libre cours en lui ou que du moins il élabore consciemment, sont repoussées par tel autre avec la plus grande indignation, ou sont déjà étouffées avant que d’avoir pu devenir conscientes. Mais la différence entre ces deux sujets, qui contient la condition du refoulement, peut s’exprimer facilement en des termes qui permettent de la soumettre à la théorie de la libido. Nous pouvons dire que l’un a établi en lui un idéal auquel il mesure son moi actuel, tandis que chez l’autre une telle formation d’idéal est absente. La formation d’idéal serait du côté du moi la condition du refoulement.

C’est à ce moi idéal que s’adresse maintenant l’amour de soi dont jouissait dans l’enfance le moi réel. Il apparaît que le narcissisme est déplacé sur ce nouveau moi idéal qui se trouve, comme le moi infantile, en possession de toutes les perfections. Comme c’est chaque fois le cas dans le domaine de la libido, l’homme s’est ici montré incapable de renoncer à la satisfaction dont il a joui une fois. Il ne veut pas se passer de la perfection narcissique de son enfance ; s’il n’a pas pu la maintenir, car, pendant son développement, les réprimandes des autres l’on troublé et son propre jugement s’est éveillé, il cherche à la regagner sous la nouvelle forme de l’Idéal du Moi. Ce qu’il projette au devant de lui comme son idéal est le substitut du narcissisme perdu de son enfance ; en ce temps-là il était lui-même son propre idéal (…).

Il ne serait pas étonnant que nous trouvions une instance psychique particulière qui (…) observe sans cesse le moi actuel et le mesure à l’idéal. Si une telle instance existe, il est impossible qu’elle soit l’objet d’une découverte inopinée ; nous ne pouvons que la reconnaître comme telle et nous pouvons nous dire que ce que nous nommons notre conscience morale possède cette caractéristique. »


S. FREUD, Pour introduire le narcissisme, ch. 3 (1914).

Publié dans Les textes

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