Hegel, Phénoménologie de l'Esprit

Publié le par philodamas

La conscience a désormais en tant que conscience de soi un objet double : l'un immédiat, l'objet de la certitude sensible et du percevoir, mais qui pour elle est désigné par le caractère du négatif, et le second, soi-même, qui n'est d'abord présent que dans l'opposition du premier (...). La conscience de soi n'a de certitude d'elle-même que par l'abolition de cet autre qui s'expose, se présente à elle comme vie autonome ; elle est désir. Une fois acquise la certitude de la nullité de cet autre, elle pose celle-ci pour elle-même comme sa vérité, anéantit l'objet autonome, et se donne par là même la certitude de soi-même comme certitude vraie c'est-à-dire certitude devenue pour elle certitude objective. (...) La conscience de soi ne parvient à sa satisfaction que dans une autre conscience de soi (...). La conscience de soi est en-soi et pour-soi en ce que, et par le fait qu'elle est en-soi et pour-soi pour un autre ; c'est-à-dire qu'elle n'est qu'en tant que quelque chose de reconnu (...).
La conscience de soi est d'abord simple être pour-soi, identique à soi par exclusion de soi de tout ce qui est autre ; elle a pour essence et objet absolu Je ; et dans cette immédiateté, dans cet être de son être pour-soi, elle est entité singulière. Ce qui pour elle est autre chose est, en tant qu'objet inessentiel, marqué du caractère du négatif. Mais l'autre est aussi une conscience de soi (...).
Chacune, certes, est bien assurée de soi, mais pas de l'autre, et c'est pourquoi sa propre certitude de soi n'a pas encore de vérité ; car ce qui serait sa vérité ce serait seulement que son propre être pour soi se fût exposé à elle comme objet autonome, ou, ce qui est la même chose, que l'objet se fût exposé comme cette pure certitude de soi-même.

HEGEL, Phénoménologie de l'esprit



La « dialectique du maître et de l'esclave »

Hegel, Phénoménologie de l'Esprit




« La conscience de soi ne parvient à sa satisfaction

que dans une autre conscience de soi (...).

La conscience de soi n'est en soi et pour soi

que parce qu'elle est en soi et pour soi

pour une autre conscience de soi ;

c'est-à-dire qu'elle n'est qu'en tant qu'être reconnu »



Position du problème


Le sujet est conscient de soi : il a la « certitude subjective » de son existence comme subjectivité ou liberté (Descartes, Méditations métaphysiques, « je suis, j'existe, cela est certain (...) je suis une chose qui pense, c'est-à-dire un esprit »). Cette certitude subjective se dégage dans l'expérience de la conscience sur un fond d'exclusion du monde et d'autrui. C'est en effet dans la mise entre parenthèse de l'existence du monde et de l'autre que je me reconnais indubitablement comme sujet.


Néanmoins cette certitude reste subjective : elle est immédiatement remise en cause par l'altérité qui lui fait face, et que le sujet n'a pu exclure et nier qu'en pensée : comment me penser comme sujet libre si le monde qui me fait face s'oppose et s'impose à moi en tant que corps objectif ? Quelle est la réalité de ma liberté ? Etre sujet c'est en effet être son propre principe, être maître de soi. Mais l'altérité qui me fait face est la première objection à cette prétention de liberté : le monde s'impose à moi, et me détermine dans mon objectivité. Comme subjectivité (pensée) j'ai la certitude subjective (intérieure) de ma liberté, mais comme objectivité (corps) je suis objectivement (effectivement) déterminé par le monde qui s'impose à moi. Il y a donc une contradiction entre ma liberté qui est subjective, encore irréalisée, en puissance au fond de moi, et ma détermination physique qui est objective, réelle.


Le sujet, qui se sait libre (en puissance, subjectivement) sans l'être (en acte, objectivement), confronté à l'alterité qui le détermine, devient donc désir : désir de reprendre en main l'alterité qui d'abord lui fait face et l'asservit, désir de se réaliser objectivement comme sujet, de confirmer sa liberté en l'objectivant dans le monde et donc de se reconnaître comme sujet dans l'altérité. Le résultat de ce processus de libération doit être de transformer la certitude subjective de soi (l'esprit subjectif, la liberté subjective) en vérité objective (l'esprit objectif, la liberté objective, c'est-à-dire l'esprit qui a objectivé et donc réalisé sa subjectivité/liberté dans le monde, qui peut alors se reconnaître comme objectivement libre).


Les enjeux sont multiples : selon Hegel, je ne coïncide pas immédiatement avec moi-même, car ma certitude subjective est confrontée à l'objectivité physique du monde qui destitue d'abord ma liberté. Je ne deviens moi-même, je ne me réalise que dans un processus, une activité d'objectivation du sujet dans le monde. Ce processus n'est autre que celui du désir : désirer, c'est désirer se réaliser comme sujet (esprit, liberté) dans l'alterité, ou encore désirer se reconnaître sujet dans l'altérité.



Publié dans Les textes

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Blog(fermaton.over-blog.com),No-20. - THÉORÈME HEGEL. - Le nom contient le destin.
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